Affiliés obligatoires à la Cipav, va-t-on vers la fin du cauchemar ?! Peut-être...

La réforme du régime social des Indépendants en préparation dans la loi de finances 2017 mettra-t-elle fin au cauchemar des "affiliés malgré eux" à la CIPAV ? C'est ce que laisse espérer le projet en discussion actuellement.
Avec une réaction de Jean-Louis Bernard, administrateur

Annoncée vendredi 16 septembre, La réforme proposée dans le PLFSS pour 2017 (projet de loi de financement de la sécurité sociale), par le gouvernement prévoit un régime unique et simplifié de la protection sociale des professions libérales et travailleurs indépendants. S’il est adopté et mis en œuvre, il apportera des améliorations notables pour les Indépendants, et tout particulièrement pour ceux qui sont affiliés à leurs corps défendant à la CIPAV – avec en premier lieu la possibilité de la quitter ! En voici les points essentiels pour les professions libérales :

Un objectif affiché - vertueux, étant donné le parcours du combattant imposé aujourd’hui aux créateur d’activités :

« Constituer de manière progressive un régime unique ouvert à l’ensemble des entrepreneurs ne relevant pas des professions libérales réglementées ou organisées pour l’ensemble des risques sociaux : la retraite et l’invalidité (avec une couverture plus élevée) ainsi que la maladie, avec le bénéfice des indemnités journalières »voir note. Cela concerne donc les quelques 300 professions affiliées à la Cipav, en dehors des architectes et assimilés, soit de 50 à 80 % des effectifs de la Cipav, selon les modalités d’application qui seront arrêtées ultérieurement.

Des attendus qui reconnaissent, en clair ou en filigrane :

  • l’inéquité dans le prélèvement des cotisations des PL, notamment pour les revenus les plus faibles, des droits moins élevés et une complexité d’accès.
  • le calvaire administratif subi par les professionnels : « le recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants doit être organisé de manière souple, autour d’une structure unique, entièrement dédiée aux indépendants, pour assurer une qualité de services suffisants aux assurés, et ayant la maîtrise de l’ensemble des moyens nécessaires, y compris dans le domaine informatique ».

Assurer une couverture sociale plus importante

Le projet prévoit un alignement du régime social des professions libérales sur celui des artisans et commerçants, affiliés au RSI, soit :

  • le bénéfice des indemnités journalières
  • des droits à la retraite plus élevés.

Le niveau de cotisation sera aussi plus élevé, notamment pour les revenus compris entre 30 % et 50 % du PASS (11.500 à 96.000 € annuel), mais moins lourd pour les petits revenus, qui ne seront plus assujettis à la cotisation minimale de retraite complémentaire, particulièrement élevé à la Cipav. La cotisation d’assurance maladie sera également allégée pour les revenus annuels inférieurs à 27.000 €, son taux actuel de 6,5 % serait réduit dégressivement de 3,5 % maximum à partir du 1er janvier 2017.

Selon le ministère, La pension de retraite d’un assuré né après 1972, ayant cotisé 172 trimestres dans le nouveau régime affilié au RSI, sur un revenu à 50% du PASS (soit 1609 € par mois) serait augmentée de 250 € par mois, par rapport à une affiliation à la Cipav.

Dans un système de gestion unique et réorganisé.

Les droits des professions libérales non réglementées se trouvant, du fait de la réforme, alignés sur ceux des artisans, commerçants et professions industrielles (eux-mêmes déjà alignés), c’est le RSI qui récupère l’affiliation de l’ensemble de ces professionnels. Cet organisme, épinglé par la Cour des Comptes en 2012, s’est, semble-t-il nettement redressé depuis (c’est un point de vigilance à ne pas lâcher). En tout cas, le ministère ne semble avoir qu’une confiance très faible, voire nulle, dans les capacités de la Cipav à sortir de sa « catastrophe industrielle » : « la réforme de l’affiliation des PL non réglementées contribuera à résorber les difficultés de fonctionnement de la Cipav ». Manière polie de dire que le salut des assurés ne leur viendra que de la fuite ….

Le RSI devrait être, selon le projet de loi, plus étroitement encadré. Il sera placé en effet, avec le réseau URSSAF/ACOSS, dans une structure unique de pilotage, disposant d’un système d’information refondu et dirigé par un directeur national, « responsable de la qualité du service rendu aux cotisants et ayant l’autorité sur l’ensemble des services en charge de ces missions ». Là encore on devra veiller à ce que les chemins tordus des nominations, avec leurs petits services rendus entre amis, ne nous amènent pas un Saulnier et autre Selmati à la tête de cette structure …

Une mise en œuvre progressive, sur fond de consultation des organismes concernés

Le calendrier prévoit l’étalement des opérations d’affiliation et de conversion à ce nouveau régime dans un délai de 5 ans (2018-2023) :

  • Les nouveaux entrepreneurs, en micro-entreprise (les auto-entrepreneurs actuels) et relevant de métiers non plus rattachés à la cipav, seront affilés au RSI au plus tard au 1/01/2018
  • Ceux qui n’ont pas opté pour le régime de la micro-entreprise, au plus tard le 01/01/19
  • Pour Les PL et Indépendants actuels, affiliés à la Cipav et relevant des professions non réglementées, un droit d’option est ouvert pour 5 ans entre 2018 et 2023. Ici, les choses se compliquent et il faudra obtenir des informations précises et obtenir les ajustements utiles : l’option de rester à la Cipav ou de s’affilier au nouveau régime relèvera et d’une négociation collective entre l’Etat et les organismes professionnels des métiers concernés et d’un choix individuel. Comment cela va-t-il s’articuler ? Mystère …. En outre une disposition transitoire en matière de taux de prélèvement et de droits acquis sera mise en place pour lisser les effets de ce passage . Là aussi, il faudra y regarder de près, en particulier au regard de la diminution des droits qui y seront liée. Ceux qui auront opté pour le nouveau système verront leur pension de retraite liquidée par le RSI, les points acquis en retraite de base et complémentaire seront transférés au RSI « selon des modalités adaptées ».

On peut s’interroger légitimement sur ces points techniques de mise en œuvre, notamment sur ce processus compliqué du droit d’option. L’administration française nous a habitué à créer des enfers bureaucratiques sous le couvert des intentions les plus vertueuses. Le diable se loge dans les détails ! C’est peut-être sur ce point que nous, associations de victimes, pouvons faire entendre notre voix dans la concertation collective, car nous disposons d’une vue irremplaçable sur les méfaits administratifs !

Enfin, un rapport de suivi et d’évaluation devra se tenir dans un délai de 5 ans. Là aussi nous mettrons notre grain de sel.

Pour nombre d’Indépendants et de professions libérales, cette réforme, si elle va au bout et si elle est soigneusement menée, avec une vraie écoute de la base et des organisations représentatives, peut vraiment apporter un plus et un réel soulagement au regard des maux que nous dénonçons sans avoir eu le sentiment jusqu’ici d’être entendus. Encore faut-il la suivre de près. Il y a fort à parier que nombre de professions et d’affiliés vont quitter la Cipav. Pour celle-ci, c’est la panique à bord. Elle n’a pas été incluse dans la liste des organismes consultés et découvre soudainement qu’elle risque de perdre 50 à 80 % de ses cotisants d’ici 5 ans, à commencer par les catégories qu’elle a le plus malmenées. Du coup, le président convoque un CA extraordinaire en urgence pour le 27 septembre, avec des accents de branle-bas de combat « La Cipav ne devrait à terme qu'être la caisse de certaines professions libérales réglementées (architectes, géomètres expert et ingénieurs conseil) soit environ 25.000 sur les 250.000 personnes actuellement affiliés ainsi que de certaines professions qui seront énumérées dans un décret. »

Exit en effet le rêve du million d’affiliés en 2015, adieux veaux, vaches, cochons, couvées ! Les représentants des professions réglementées qui ont accaparé le pouvoir de décision et persévéré dans une gestion aussi dispendieuse que contraire aux intérêts de la majorité des assurés, vont devoir s’occuper sérieusement et en bon père de famille de la retraite de leurs pairs. Nous ne saurions trop conseiller aux architectes récemment installés de mettre leur nez dans la gestion de leur caisse et d’y faire souffler un vent nouveau. Nous avons en effet dans nos permanences des appels de plus en plus nombreux d’architectes en butte à la gestion effrayante de la Cipav.

Donnez votre avis sur ce projet sur sos.cipavadherents@gmail.com

Débat

Une réaction de Jean-Louis Bernard, administrateur de la CIPAV (collège prestataires)

Je fais miennes vos analyses de la situation sur les nouvelles perspectives offertes par le projet de financement de la sécurité sociale annoncées vendredi 16 septembre par le gouvernement. Projet qui prévoit un régime unique et simplifié de la protection sociale des professions libérales et des travailleurs indépendants, qui ne sont pas membres d'une profession réglementée. Comme vous, je ne peux que me réjouir si les centaines de milliers de professionnels libéraux adhérents de la CIPAV (250.000) peuvent demain échapper à l’emprise de quelques milliers d'architectes (25.000). Architectes qui depuis plusieurs dizaines d'années gèrent la CIPAV avec des statuts leur garantissant les pleins pouvoirs sur la caisse, sans accorder aux professions non règlementées une représentation et des pouvoirs tenant compte de leur nombre et des cotisations payées aujourd'hui.

Je fais miennes aussi les raisons données par mon collègue administrateur Frédéric Martin pour justifier sa démission.

Je pense d'ailleurs qu'il serait utile, pour votre association et pour les adhérents de la CIPAV, d'organiser une conférence de presse, en particulier pour tous les journalistes qui s'intéressent aux dysfonctionnements de la CIPAV depuis deux ans. Et comme administrateur, je suis prêt à y participer pour apporter ma vision sur les avantages, pour les cotisants des professions non réglementées, de ce nouveau projet de loi. Vous pourriez évidemment inviter MM. Castans et Selmati, Président et Directeur de la CIPAV, afin qu’ils exposent leur position sur une évolution qui est majeure pour la gestion des retraites des adhérents présents et à venir.

Notes : 1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale, Dossier de presse, 23 septembre 2016. Voir le fichier: http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/21463.pdf à la page 28.