Mobilisation des dirigeants de la Cipav contre le projet de réforme

Pourquoi les dirigeants de la Cipav se mobilisent-ils contre le projet de réforme du statut social des PL non réglementées, alors que celle-ci apporte une réelle amélioration des droits sociaux de leurs adhérents ?

Le projet de réforme du statut social des travailleurs indépendants et des professions libérales entre ces jours-ci en discussion à l’Assemblée Nationale, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. Notre association s’est mobilisée activement pour faire connaître notre position aux élus, à la ministre, à la presse. En effet rien n’est acquis, car en face tous les contre-feux sont allumés.

Mrs Selmati et Castans, dirigeants de la CIPAV, sont entrés en campagne pour faire capoter le projet. Ils ont pondu un communiqué de presse qui est un petit chef d’œuvre de désinformation, mais qui énonce sans fard leurs motivations.

Expédions d’abord ces motivations, car elles sont simples, voire simplistes et au fond ils n’en ont qu’une : sauvegarder la pompe à fric qu’est la Cipav depuis des décennies pour les architectes et accessoirement les emplois salariés de la caisse. Selon leurs propres termes : « La CIPAV est actuellement en très bonne santé financière. Elle bénéficie d’un rapport démographique très favorable de 6,6 actifs pour 1 retraité et a constitué depuis plusieurs années des réserves pour un montant de 4 milliards d’euros. Une récente étude actuarielle réalisée en 2016 montre que l’équilibre financier est assuré pour les 30 prochaines années.(…) Dans un régime de retraite qui fonctionne par répartition, le transfert de certaines professions libérales non réglementées au RSI va mécaniquement faire perdre à la CIPAV le bénéfice d’une partie des cotisations futures des adhérents qui ont constitué des droits à retraite à la CIPAV. La perte de ces cotisations risque de mettre en péril l’équilibre financier du régime. » (C’est nous qui soulignons). Et de fait, les 6,6 actifs pour 1 retraité sont en grande majorité les œufs d’or d’une poule qui menace fortement d’aller pondre ailleurs ! Pour éclairer davantage cette juteuse affaire, il faut creuser au-delà des chiffres. La Cipav a été créée par et pour les architectes et professions du bâtiment. Aujourd’hui, ces professions sont minoritaires en tant que cotisants au sein de la Cipav, ce qui ne les empêchent pas de s’arroger la majorité des sièges au conseil d’administration et de détenir la présidence. Car la Cipav a recueilli une bonne partie des professions libérales non réglementées (environ 300 actuellement) et, en 2008 les auto-entrepreneurs. On se souvient d’ailleurs en quels termes méprisants, l'ex président de la Cipav, Jacques Escourrou, parlait de ces derniers : une charge de faibles cotisants transformant la Cipav en « caisse poubelle » (Escourrou devant la commission des finances du Sénat, le 24 mars 2010). Maintenant, il n’est plus question de les laisser partir, car les « déchets » valent de l’or, ce que les chiffres ci-dessous éclairent d’une lumière crue :

Sur 219 611 cotisants qui cotisaient au régime complémentaire en 2015 :

  • Le collège 1 (des architectes et métiers du bâtiment) représente 36 000 cotisants qui payent 152 M € de cotisations. Les prestataires (retraités, pensionnés, ayants-droits) reçoivent 131 M €.
  • Le collège 2 (consultants) représente 97 000 cotisants qui payent 396 M € de cotisations. Les prestataires reçoivent 57 M €.
  • Le collège 3 (interprofessionnel) représente 86 000 cotisants qui payent 190 M € de cotisations. Les prestataires reçoivent 30 M €.

Les architectes en activité fournissent donc 20 % de la masse des cotisations et perçoivent en tant que pensionnés, 60 % des prestations. Etant donné que les architectes sont une profession en perte démographique, on comprend tout l’enjeu caché derrière ce chiffre de 6 cotisants pour 1 retraité : parmi les 6, il y a moins de 2 cotisants architectes. Si les 4 autres partent rejoindre le RSI, Mr Castans et ses mandants ont en effet du souci à se faire. Mrs Selmati et Castans se fichent éperdument des avantages de la réforme pour les professionnels concernés : le bénéfice des indemnités journalières ? La perspective d’une simplification administrative ? de meilleures retraites ? Ils n’en soufflent mot, car pour eux, le cœur du projet n’est pas là, mais dans « la définition de la réforme des professions libérales non réglementées qui continueront à relever de l’assurance vieillesse des professions libérales et de celles qui seront à l’avenir affiliés au RSI ». En clair, combien de cotisants resteront dans l’escarcelle de la Cipav ? telle est la question, d’autant plus angoissante qu’elle relèvera d’un décret ultérieur et non pas du débat en cours au Parlement. Les professions seront donc consultées et il y a fort à parier que, vu les états de services de la Cipav, peu choisiront d’y rester.

D’où l’importance de proclamer que « ce projet de texte intervient au moment où les actions visant à redresser la CIPAV commencent à porter leurs fruits. (…) amélioration de la qualité de l’accueil physique avec l’ouverture de points d’accueil sur l’ensemble du territoire, augmentation sensible des taux de décrochés téléphoniques, délai d’encaissement des cotisations désormais à J+2, augmentation du taux de recouvrement des cotisations dépassant les 85 % grâce à la fiabilisation des données transmises par le RSI et les URSSAF et par une reprise de l’activité de recouvrement amiable et forcé, rapidité des remboursements des trop-perçus aux adhérents… La CIPAV a revu intégralement son organisation, reformaté ses processus de gestion et s’est lancée dans une refonte complète de l’ensemble de ses applicatifs informatiques ».

Tout ceci n’est que désinformation et manipulation

Nous ne constatons rien de tel dans nos permanences : La galère des non-réponses, des réponses inadaptées, du téléphone sourd ou qui ne débouche que sur des messages enregistrés, des demandes de rendez-vous par mail qui finissent en cul de sac sont toujours le lot de l’adhérent. Quant à l’amélioration du taux de recouvrement « amiable et forcé », elle restera longtemps en travers de la gorge des cotisants. La Cipav s’est en effet lancée dans une campagne massive de contraintes délivrées par l’officine de sinistre réputation, Nocquet, Salomon et Flutre, en tablant probablement sur le fait que pendant l’été il sera plus difficile aux gens de faire opposition. La campagne était si peu sélective qu’on a vu des gens qui n’avaient jamais entendu parler de la Cipav faire l’objet de poursuites, et d’autres pour des dettes portant sur des années où ils n’étaient plus affilés !

Alors, certes, la Cipav a déployé tout un dispositif d’accueil mail et téléphonique, mais pour quels résultats en termes de résolution de dossiers ? Il est symptomatique qu’au fil de ses communiqués, elle ne parle que d’indicateurs de moyens et jamais de résultats. Et pour cause, le fameux dispositif d’accueil n’est au fond pas autre chose que la pièce maîtresse d’une politique de communication. Car la majeure partie des dysfonctionnements provient des vices de fond du système de traitement de l’information. Ce système est toujours en place, et il l’est encore pour quelques années. Dès lors, les agents de la MSA, prestataires coûteux (800.000 €) engagés par la Cipav, à part dispenser des bonnes paroles (du style : « j’en parlerai à mes collègues »), et parfois de fausses informations, n’ont rien à offrir de plus que les salariés maison.

La refonte du système d'information, votée au CA de septembre dernier, n’en est qu’au stade de l’appel d’offre, et il n’est pas certain qu’il y ait lieu de s’en réjouir, car ce projet coûteux ne semble guère offrir plus de garanties de succès que la précédente « catastrophe industrielle ». C’est même une des raisons qui a motivé la démission du CA de Frédéric Martin :

l’engagement d’un schéma directeur informatique sur des bases qui laissent peser de nouveaux risques de dérive (présentation d’un budget de plus de 30 M € comportant déjà des incohérences de montants restées inexpliquées ; absence totale d’information dans les éléments fournis au conseil d’administration sur la gouvernance d’un projet aussi stratégique, ni proposition faite d’un dispositif de contrôle spécifique de la part du conseil compte tenu du fiasco du précédent projet ; volet digital du projet quasi absent – limité à une refonte du site web ! - alors qu’il s’agit d’un facteur clé d’amélioration de la relation « client », de fiabilisation, et de productivité de tout système d’information moderne).

La triste réalité de la Cipav, derrière le somptueux décor que nous dépeignent Mrs Castans et Selmati et qu’ils s’efforcent de vendre aux élus de la République, n’a probablement pas échappé aux auditeurs de la Cour des Comptes venus discrètement auditer la Cipav au printemps dernier. C’est probablement la raison pour laquelle les dirigeants de la Cipav, pas plus que ceux de la CNAVPL n’ont été consultés sur ce projet, alors que l’ACOSS, la CNAF, la CNAVTS, le RSI, la MSA l’ont été. Les dirigeants de la Cipav ne sont probablement plus aujourd’hui des interlocuteurs crédibles aux yeux de l’Etat.

Il était temps !