Chronique de juillet 2016

La Cour d’appel de Paris remet en cause la légalité des appels de cotisations de retraite complémentaire

Fait exceptionnel : en cinq mois seulement, la Chambre de la sécurité sociale de la Cour d’appel de Paris a statué sur le jugement du TASS d’Evry de décembre 2015 que nous avions commenté dans la première chronique du TASS de février 2016.

Par un arrêt rendu en juin 2016, la Cour d’appel de Paris valide complètement le résultat et la motivation adoptés par le TASS en allouant en outre 1.500 € de frais irrépétibles d’appel, ce qui porte à 3.000 € la prise en charge par la CIPAV des honoraires d’avocat de l’assuré sur l’intégralité de la procédure (première instance et appel).

La décision risque de faire l’objet d’un pourvoi en cassation mais notons que la CIPAV n’a pas interjeté appel d’une décision du TASS de Haute-Garonne d’avril 2016 contenant une motivation et un résultat similaires sur les deux dernières années d’activité indépendante (voir chronique du TASS de juin 2016).

Rappelons que la CIPAV a créé un régime de retraite complémentaire obligatoire en 1979. Rappelons également que la CIPAV estime que ses statuts l’autorisent à refuser la régularisation de ses cotisations de retraite complémentaire sur la base des revenus réels de l’assuré. Elle s’en tient donc à des appels provisionnels, calculés sur le revenu de l’année N-2 jusqu’en 2016 et, depuis 2016, sur le revenu de l’année N-1.

Comme le TASS d’Evry, la Cour d’appel de Paris retient pourtant que cette méthode est contraire à la loi qui édicte selon elle un principe de régularisation des cotisations de la CIPAV.

L’atteinte au droit de propriété pourrait également être invoqué à l’encontre de la CIPAV. L’assujetissement à des cotisations de sécurité sociale non proportionnelles à un revenu d’activité ne présente-il pas un potentiel effet confiscatoire ?

Les implications de cette décision, qui n’est sans doute pas définitive, apparaissent d’ores et déjà exceptionnelles.

Le refus de régularisation par la CIPAV des cotisations de retraite complémentaire au fil de la carrière fait que les affiliés à cette caisse, environ 400.000 libéraux, n’ont pas réglé un montant correct de cotisations, sauf si leur revenu est d’une telle stabilité d’une année sur l’autre qu’ils n’ont jamais basculé de tranche sur le régime de retraite complémentaire qui compte huit tranches de revenus.

Certains ont versé trop de cotisations. Par an, le trop versé se chiffre entre 1.200 € et… 14.500 €. Dans l’affaire ici commenté, le trop versé, que la CIPAV est condamnée à rembourser à l’assuré, s’élevait à près de 8.000 € sur l’année 2013.

D’autres, dont les revenus sont en constante augmentation, ont sans doute perdu des points de retraite complémentaire en ne cotisant pas assez.

Il est aujourd’hui permis de calculer le montant réel de ses cotisations d’assurance vieillesse CIPAV sur une calculette créée par le Cabinet d’avocats PINCENT Avocats et d’organiser pour son cas personnel l’action permettant de solliciter le remboursement d’un trop versé de cotisations. PINCENT Avocats a ouvert le 7 juillet le site dédié cipavaction.pincent-avocats.com

Osons le dire : l’intérêt de cet arrêt dépasse le cadre même de la CIPAV.

Nous avons en effet identifié plusieurs caisses de retraite qui recourent à la même politique de non régularisation des cotisations de retraite complémentaire. Il serait sage pour elles de modifier en urgence leurs statuts et de procéder à un audit des comptes de cotisations de la totalité de leurs assurés sur les cinq dernières années pour évaluer le nombre de personnes à rembourser.

Cette période de cinq ans correspond en effet au délai de prescription de l’action en remboursement du trop versé de cotisations.

Nous craignons que la CIPAV ne réalise pas l’audit nécessaire pour déterminer le nombre précis d’assurés à qui elle a réclamé trop de cotisations de retraite complémentaire, qui est nécessairement de plusieurs dizaines de milliers de personnes. L’interrogation est en effet récurrente : la défaillance du système d’information de cette caisse, mise en exergue récemment par France Inter, rend-elle envisageable un tel contrôle ?

En tout cas, la chronique du TASS veillera à vous informer des éventuelles mesures correctrices prises par la CIPAV consécutivement au prononcé de cette décision judiciaire d’une importance cardinale.

Au moment d’achever cette chronique, nous apprenons que le TASS de l’Isère, sans connaître la décision de la Cour d’appel de Paris, vient de condamner la CIPAV à rembourser à un assuré une somme de 11.000 € au titre d’un trop versé de la cotisation de retraite complémentaire de l’année 2010.

La Cour d’appel de Rouen rendra également une décision en septembre 2016.

Si elle était à l’avenant de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, la CIPAV et d’autres caisses de retraite recourant à la même méthode d’appel de cotisations devraient de manière urgente remettre à plat leur régime de retraite complémentaire.

Dimitri Pincent
cipav.actionjudiciaire@pincent-avocats.com