Chronique de mars 2016

Les mauvais comptes de la SCP d’huissiers NOCQUET FLUTRE SALOMON sont-ils révolus ?

Tout adhérent ayant eu maille à partir avec la CIPAV connaît en principe l’étude d’huissiers parisienne NOCQUET FLUTRE SALOMON. Si comme elle vous habitez Paris, vous vous verrez signifier directement par ses soins les contraintes vous concernant, ce qui constitue – reconnaissons le avec objectivité – une activité légitime et compréhensible en présence d’une dette significative de cotisations. Si vous êtes en région, vous ne réaliserez pas nécessairement qu’elle transmet la contrainte vous concernant, en sa qualité d’« huissier pilote », à son Confrère territorialement compétent dans le ressort de votre domicile. Cela s’appelle un « acte détaché » et, là encore, cette tâche confiée à un huissier paraît inhérente à l’activité d’une caisse de retraite.

 

Premier hic toutefois : cette étude d’huissiers a été choisie à une date antédiluvienne sans aucune mise en concurrence préalable. C’est ainsi que le Tribunal correctionnel de Paris a, par décision définitive du 4 décembre 2015, déclaré coupable Monsieur François DURIN, ancien Directeur de la CIPAV, pour favoritisme. Son tort est d’avoir notamment conclu un contrat de prestations de services avec la SCP NOCQUET SALOMON FLUTRE pour la gestion du recouvrement des créances de cotisations de la CIPAV sans effectuer la moindre mise en concurrence entre différentes études d’huissiers dans le cadre d’un marché public, et ce pour un montant total de près de 7 M€ (6.845.617 € pour être précis) sur la seule période de 2009 à 2012.

La Cour des comptes avait peu avant déploré dans son rapport de 2014 consacré à la CIPAV l’existence d’une convention « ancienne et sommaire » conclue de gré à gré entre la CIPAV, générant un chiffre d’affaires de 1,7 M€ en 2011 pour cette étude d’huissiers. L’absence de mise en concurrence fait nécessairement douter que cette Étude ait présenté le ratio efficacité/coût le plus performant par rapport à d’autres huissiers.

Il arrive souvent aux TASS d’annuler des contraintes pour méconnaissance de la procédure légale de recouvrement par la CIPAV et son huissier référent (TASS de Paris, Versailles, Bordeaux et Toulouse notamment), ce qui suggère que le processus de recouvrement est non seulement très coûteux pour la Caisse mais encore assez inefficace.

 

Second hic : la CIPAV avait investi la SCP NOCQUET SALOMON FLUTRE d’une mission dite de « recouvrement amiable » des cotisations, c’est à dire hors signification de contrainte. Ainsi un adhérent pouvait recevoir une multitude de lettres simples de la part de cette Étude lui enjoignant de payer une somme, sans détail fourni, avec menace de saisies en tous genres et fréquemment demande de paiement d’un droit proportionnel intitulé « article 8 » (pour un exemple).

Rien n’interdit un huissier de justice de relayer la nécessité d’honorer une dette de cotisations, pourvu que son invitation ne soit pas comminatoire et qu’elle soit précise et détaillée dans le montant réclamé. C’est là que le bât blesse avec la CIPAV. La technique utilisée par la SCP NOCQUET SALOMON FLUTRE apparaît en effet illégale en ce que le ton employé et les majorations revendiquées reposent sur le postulat erroné que l’Étude est déjà en possession d’un titre exécutoire, c’est à dire d’une contrainte signifiée n’ayant pas fait l’objet d’une contestation devant le TASS.

Ainsi, l’absence de fiabilité du processus de recouvrement peut entraîner l’annulation de la contrainte par le TASS comme il a été dit plus haut, mais encore les démarches abusives de la SCP NOCQUET SALOMON FLUTRE précédant la signification de la contrainte peuvent conduire le TASS à condamner la CIPAV à des dommages-intérêts (par exemple TASS de Versailles, jugement du 13 novembre 2015) outre la prise en charge des honoraires d’avocat de l’adhérent.

Résultat des courses : l’huissier a coûté bien cher à la CIPAV en rémunération, en non-recouvrement de cotisations et en indemnités !

 

Cette chronique doit se conclure toutefois par une note d’optimisme. Après une double plainte déposée en 2015 auprès de la Chambre des huissiers et du procureur de la République de Paris, la SCP NOCQUET SALOMON FLUTRE a décidé de manière fort opportune d’abandonner l’envoi de ses lettres problématiques.

Le niveau de stress des adhérents de la CIPAV devrait donc diminuer légèrement.

Les TASS se réjouiront également. Ils étaient en effet saisis d’oppositions à contraintes par des adhérents destinataires des courriers types de l’huissier, visant une « contrainte », qu’ils assimilaient avec force bon sens à une signification de contrainte par voie d’huissier. Ces « fausses » oppositions à contrainte se concluaient systématiquement par un jugement d’irrecevabilité difficile à comprendre pour le requérant se démenant en justice depuis plus d’une année.

L’auteur de ces lignes ignore si la CIPAV a récemment lancé le nécessaire marché public de recouvrement des cotisations qui permettrait de rassurer les adhérents sur la fiabilité de l’huissier intervenant. En tout cas, il est toujours conseillé à l’adhérent se voyant signifier une contrainte à son domicile par l’huissier de son secteur de se rapprocher en urgence d’un avocat spécialisé pour former une opposition devant le TASS, fût ce à titre conservatoire (conseils sur l’opposition à contrainte).

Dimitri Pincent
cipav.actionjudiciaire@pincent-avocats.com