La chronique du TASS - 1er trimestre 2020

Auto-entrepreneurs : la CIPAV a un gros souci mais elle se défile !

Pour l’instant, malgré la décision de la Cour de Cassation, l’Etat et la Cipav campent sur leurs positions. Pas d’autres solutions donc pour les autoentrepreneurs pour faire valoir leurs droits que de les faire reconnaître individuellement par la justice. La procédure proposée par le Cabinet Pincent est donc toujours disponible. Voici ces résultats à ce jour :

  • Nombre de dossiers ouverts : 520
  • Nombre de décisions obtenues (toutes favorables) : 20
  • Nombre de recours amiables obligatoires envoyés : 316
  • Nombre d’instances en justice en cours : 132
  • Nombre de recours amiables en cours de préparation : 204

La Cour de Cassation a résisté à la pression politique, mise au jour par une supplication écrite de l’Etat quelques heures avant l’audience aux termes de laquelle un rejet du pourvoi de la CIPAV serait une catastrophe.

Les magistrats suprêmes n’ont pas flanché et la catastrophe pour la CIPAV est survenue : le 23 janvier 2020, la Cour de Cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 8 mars 2018 qui lui-même confirmait un jugement du TASS de Pontoise. Ces décisions mettent toutes en lumière la minoration des points de retraite complémentaire d’un autoentrepreneur.

Elles s’ajoutent à une vingtaine de jugement qui tous condamnent la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire du ou de la plaignante et lui accorde des dommages-intérêts pour préjudice moral (entre 1.000 € et 2.000 €) outre le remboursement de ses frais d’avocat.

En février 2020, la CIPAV a encore perdu un dossier, devant le Pôle Social de Paris. Et là, elle est condamnée à rectifier non seulement les points de retraite complémentaire (+ 420 %) mais également les points de retraite de base (+ 30 %). Préjudice moral réparé à hauteur de 2.000 €. Et dédommagement de frais d’avocat à hauteur de 1.500 €.

A cela, la CIPAV oppose une communication assez peu convaincante : le dossier de la Cour de Cassation serait isolé et mettrait en lumière un problème uniquement sur la période 2009-2016.

Si tel était le cas, la CIPAV devrait expliquer pourquoi d’autres décisions, dont celle de Paris précitée, la condamnent pour d’autres auto-entrepreneurs sur toute la période 2009-2018 ! En 2020, les jugements pourront condamner aussi sur l’exercice 2019.

La faille juridique – l’absence de modification d’un décret remontant à 1979 – existe toujours. Tant que la CIPAV feindra de ne pas le comprendre, elle demeurera au bord de l’abime. Car si elle peut effectivement réclamer à l’Etat une compensation financière pour la période 2009-2015 - car celle-ci était alors prévue dans la loi - elle doit assumer seule le risque financier à partir de 2016. Et les sommes en jeu se comptent en milliards d’euros depuis 2009.

L’Etat n’a pas l’air de son côté de vouloir appliquer la loi pour éviter de régler à la CIPAV la compensation due sur la période 2009-2015.

Délibérément, l’Etat n’élargit pas les actions de groupe sur cette matière de la sécurité sociale en craignant un tsunami de contestations qu’il sait parfaitement légitimes. Il pourra ensuite nier qu’il y ait un scandale public, car la justice ne connaîtra que des cas individuels …

Et pourtant !

Les 380.000 auto-entrepreneurs concernés, qui subissent le cynisme d’un ministre et d’une caisse de retraite, peuvent se rassurer : ils ne sont pas seuls.

Les 6.500 indépendants « non auteurs » qui ont été affiliés à la CREA et se retrouvent sans retraite sont tout aussi méprisés par les autorités : « vous ne disposez pas entre vos mains de l’action de groupe, alors vous, plaignant individuel, vous ne représentez personne d’autre que vous-même » répond en substance la caisse de retraite.

Et que dire des 190.000 artistes auteurs ayant eu le malheur de relever de l’association AGESSA, comptant parmi eux nos écrivains, nos auteurs de BD, nos photographes, etc. Depuis des décennies, des autorités de contrôle indépendantes dénoncent les errements de cet organisme n’ayant pas été capable de recenser ses membres et de gérer leurs cotisations d’assurance vieillesse. Ils sont laissés sur le carreau, sans retraite. Le jour où la première condamnation interviendra, ouvrant la voie à d’autres, que répondront en cœur les organismes concernés et l’Etat ? Sans doute se retrancheront-ils encore et toujours derrière leur théorie du cas isolé. Alors qu’on est en face d’une catastrophe industrielle, une véritable faillite de certains organismes de sécurité sociale !

Quand ces organismes et l’Etat qui en garantit la mission reconnaîtront-ils leurs torts et entreprendront-ils de les réparer ?

Voilà une question qu’il serait bon de poser en ces temps de débat sur la réforme de la retraite !