Chronique d'avril 2016

L’IRCEC et la CIPAV : les caisses-sœurs qui ne communiquent pas

C’est ce qu’a constaté le TASS du Mans dans un jugement désormais définitif de mars 2016 rendu au profit d’un graphiste récemment retraité.

Avant 2004, l’IRCEC n’était pas une caisse de retraite à proprement parler mais un « régime » obligatoire de retraite complémentaire intégré à la caisse CREA. En 2004, la CREA a disparu et l’IRCEC a été dotée de la personnalité morale pour devenir une caisse de retraite à part entière au profit des artistes auteurs. Ceux qui ne relevaient pas de cette catégorie (de nombreuses professions) ont vu leur compte transféré à la CIPAV. Mais cela ne s’est pas fait sans heurts et de nombreux assurés ont tout simplement été oubliés.

Il faut dire que pour certains le transfert de leurs deux régimes d’assurance vieillesse (retraite de base et retraite complémentaire) de la CREA vers la CIPAV n’allait pas de soi car ils avaient déjà été omis antérieurement en partie par la CREA : aussi incroyable que cela puisse paraître, environ 6.500 assurés de la CREA (chiffre fourni par le Défenseur des droits) réglaient avant 2004 leurs cotisations de retraite complémentaire sur le régime de retraite complémentaire « IRCEC » sans se rendre compte en toute bonne foi que la CREA omettait de leur demander le paiement de leurs cotisations de retraite de base !

Conséquence préjudiciable : ces personnes n’ont acquis ni trimestres de cotisations sur la période d’omission ni points de retraite de base et la CIPAV rétorque tranquillement à ces malheureux… qu’ils n’auront aucune retraite ! Une chronique particulière sera réservée à cette question, à la lumière d’un jugement rendu fin 2015 par le TASS de Melun à l’encontre de la CIPAV et d’une décision à venir de la Cour d’appel de Paris qui devrait intervenir début 2017.

Le graphiste qui avait saisi le TASS du Mans ne se trouvait pas dans ce cas de figure. Il n’avait pas souffert d’une omission d’affiliation partielle ou totale mais avait été affilié successivement à la CREA, à la Maison des artistes puis à la CIPAV, ce qui est le cas de nombreux dessinateurs, graphistes, designers, etc. Lorsqu’il a voulu liquider ses droits à la retraite, il s’est adressé à la CIPAV qui a occulté pas moins de 14 années de cotisations acquises antérieurement auprès de la CREA dont les cotisations de retraite complémentaire du régime IRCEC ! Alors qu’apparemment l’IRCEC devait agir en concours avec la CIPAV dans la liquidation de ses droits, la seconde n’avisait pas la première de ce dossier de liquidation de retraite en dépit du fait que ces deux caisses se trouvent dans le même immeuble et mutualisent l’ensemble de leurs moyens au sein d’une association régie par la loi de 1901 dénommée GROUPE BERRI ! Cette absence de communication entre ces deux caisses sœurs avait pour effet de priver le graphiste de sa pension de retraite complémentaire pendant… 4 ans.

Les choses ne sont jamais simples avec la CIPAV car elle soutient désormais qu’en voulant régulariser la situation de ce retraité en cours de procédure, elle aurait versé une pension surévaluée car venant en doublon avec des droits liquidés par l’IRCEC. Le Tribunal n’a pas été toutefois convaincu et a rejeté la demande de remboursement formée par le CIPAV du trop versé allégué. En revanche, en réparation du préjudice financier et moral causé par un manquement à l’obligation légale d’information et de conseil, le TASS a condamné la CIPAV à verser au plaignant la somme de 7.000 € de dommages-intérêts outre 2.000 € de prise en charge de ses honoraires d’avocat.

Les libéraux ayant cotisé à la CREA puis, après 2004, à la CIPAV, ont de quoi avoir quelque appréhension au moment de la liquidation de leurs droits à la retraite. Ce sera toutefois une sinécure par rapport à la situation des 6.500 assurés dont les cotisations de retraite de base de la caisse CREA n’ont pas été appelées avant 2004.

Dimitri Pincent
cipav.actionjudiciaire@pincent-avocats.com