Chronique de mai 2016

Le TASS de la Creuse sanctionne la CIPAV dans un cas d’omission d’affiliation

Par un jugement du 11 mai 2016, dont la CIPAV a aussitôt fait appel (le jugement n’est donc pas définitif et est susceptible d’infirmation par la Cour d’appel de Limoges), le TASS de la Creuse a statué sur un cas d’omission d’affiliation d’un assuré de la CIPAV.

Qu’est ce qu’une omission d’affiliation ?

Il s’agit du cas de figure où, pour une raison indéterminée mais qui tient souvent à l’absence de fiabilité du processus d’affiliation de la CIPAV tel que dénoncé par la Cour des comptes en 2014, un libéral relevant du périmètre d’intervention de la CIPAV ne reçoit aucune nouvelle de la part de cette caisse de retraite dont la plupart du temps il ignore jusqu’à l’existence.

Ainsi, cet assuré reçoit toute sorte d’appels de cotisations de sécurité sociale (RSI et URSSAF) mais aucun de la CIPAV.

Comme souvent, pour des raisons tout aussi indéterminées, la CIPAV se réveille un beau matin et envoie à ce professionnel une demande de paiement de cotisations sur les trois années antérieures, sans la moindre explication, et en recourant à une taxation d’office, c’est à dire à un appel de cotisations sur les tranches les plus élevées sans chercher à déterminer le revenu réel de l’assuré.

Dans le dossier qui nous occupe, la somme réclamée était d’environ 30.000 € pour un revenu net annuel environ 10 fois inférieur.

Une fois avisée des revenus réels, la CIPAV diminuait sa demande à quelques milliers d’euros.

L’assuré demandait alors l’exonération de ses cotisations de retraite complémentaire en raison de la faiblesse de ses revenus des années N-1 conformément aux statuts de la CIPAV.

Sans vergogne, la caisse lui a refusé ce droit en estimant que la demande de son nouvel assuré était... tardive !

Le TASS de la Creuse retient que le défaut d’affiliation constitue bel et bien une faute imputable à la CIPAV.

Pour ce faire, il rappelle que la déclaration de début d’activité au CFE (Centre de formalités des entreprises), dite P0 PL, entraîne nécessairement affiliation à une caisse de retraite. Concrètement, l’URSSAF dont dépend le CFE transmet cette déclaration de début d’activité à la CNAVPL (Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales) qui elle-même la transmet à la section professionnelle correspondant à l’activité du déclarant (la plus importante étant la CIPAV). Il s’agit du circuit concret d’une affiliation normale (alors que le Code de la sécurité sociale (article R 643-1), qui mérite un toilettage sur ce point, fait encore référence à une obligation d’inscription à chacune des caisses dont il relèverait, dont la caisse de retraite, sans qu’il la connaisse au préalable).

Le TASS en tire une conséquence simple : la CIPAV, fautive dans l’omission d’affiliation, ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude pour exciper d’une tardiveté dans la demande d’exonération de retraite complémentaire.

La mise en demeure visant cette cotisation de retraite complémentaire et les majorations de retard afférentes est donc annulée. L’assuré voit ses honoraires d’avocat pris en charge à hauteur de 850 €.

Dans Secrets d’Info du 13 mai sur France Inter (disponible ici), les cas d’affiliation abusive par la CIPAV de personnes n’ayant jamais eu d’activité libérale ont été amplement décrits.

Sans doute beaucoup plus nombreux sont les cas d’omission d’affiliation dans lesquels la CIPAV, plutôt que de présenter des excuses et rechercher des solutions amiables (échelonnement de la dette non prescrite et réintégration dans le compte de cotisations des cotisations prescrites), préfère occulter sa faute et souhaiter la bienvenue à son assuré oublié en l’assaillant d’une demande aveugle de paiement !

Errare humanum est perseverare diabolicum. Gageons que la Cour d’appel de Limoges gardera en tête cet adage lorsqu’elle appréciera les indéniables mérites de la décision du TASS du Guéret.

Dimitri Pincent
cipav.actionjudiciaire@pincent-avocats.com