Chronique de septembre 2016

Les TASS de Créteil et de Pontoise défendent les auto-entrepreneurs relevant de la CIPAV

Les auto-entrepreneurs ne sont pas choyés par la CIPAV. Alors que leur statut existe depuis 2009, il a fallu sept ans pour que la CIPAV leur crée un espace personnel mentionnant le nombre de trimestres de cotisations et de points de retraite acquis par chacun.

Cette initiative mise en œuvre au premier trimestre 2016 présente tous les atours d’une mascarade massive à destination de ces 300.000 auto-entrepreneurs qui, s’ils s’intéressaient à la question de leur retraite, découvriraient le pot aux roses.

D’abord parce que l’auto-entrepreneur n’a toujours pas accès à un relevé de situation individuelle renseignant année par année les droits à la retraite qu’il a acquis. L’auto-entrepreneur qui souhaite commander sur Internet ce document prévu par la loi dans le cadre du droit à l’information en matière de retraite obtiendra un document a en-tête de la CIPAV indiquant invariablement « données non disponibles ».

Le TASS de Créteil est à notre connaissance la seule juridiction en France à avoir condamné la CIPAV à fournir à un auto-entrepreneur un relevé de situation individuelle sans que l’intéressé ait à justifier d’un départ imminent en retraite puisque cette information précise est destinée à être accessible en cours de carrière. Les dommages-intérêts accordés sont assez symboliques (200 € outre une indemnité de procédure de 1.000 €).

Ensuite parce que l’auto-entrepreneur ou l’ex auto-entrepreneur qui souhaite prendre sa retraite s’expose à bien des avanies. En témoigne l’auto-entrepreneur M. T à qui la CIPAV n’avait jamais répondu à ses demandes préalables à l’organisation de sa retraite puis lui avait envoyé de multiples relevés de carrière contradictoires et enfin refusait de totaliser un trimestre qu’il venait pourtant de racheter à la caisse.

En juillet 2016, le TASS de Pontoise a pris en considération le désarroi de cet auto-entrepreneur en lui allouant 10.000 € de dommages-intérêts et 2.500 € de dédommagement d’honoraires d’avocat. Et le TASS de Pontoise n’a pas clos son dossier en décidant de réouvrir les débats au sujet de la question primordiale du nombre de points de retraite accordés par la CIPAV à ses auto-entrepreneurs.

La Cour des comptes avait mis les pieds dans le plat en 2014 en dénonçant un traitement « discriminatoire » entre un libéral non auto-entrepreneur et un libéral auto-entrepreneur malgré leur affiliation commune à la CIPAV. Les conseillers de la rue Cambon relataient que les auto-entrepreneurs se voyaient d’office appliquer une réduction sur le régime complémentaire, c’est à dire sans que les auto-entrepreneurs sollicitent une telle réduction.

Concrètement, un libéral non auto-entrepreneur peut bénéficier d’une réduction de cotisation de retraite complémentaire et de manière subséquente connaître une réduction de points de retraite complémentaire, de 25 %, 50 % ou 75 %, si son revenu de l’année antérieure est inférieur à certains seuils, à condition qu’il en fasse la demande expresse. Systématiquement, la CIPAV oppose une forclusion à une demande de réduction tardive.

S’agissant des auto-entrepreneurs, la CIPAV a estimé qu’elle n’avait pas besoin de leur avis et elle leur a appliqué discrétionnairement ces réductions. Résultat : quand un psychothérapeute non auto-entrepreneur a un revenu équivalent à son confrère auto-entrepreneur, le premier acquiert 36 points de retraite complémentaire par an et le second pas plus de 9. Pour une année de cotisations différenciée de la sorte, la perte en capital de retraite pour l’auto-entrepreneur s’élèverait à environ 1.700 €. Le préjudice pour l’indépendant exerçant sous ce statut depuis 2009 se chiffrerait ainsi à 12.000 €.

M. T soutenait que la CIPAV, non contente d’avoir rendue cauchemardesque l’organisation de sa retraite, a également minoré sa pension de retraite complémentaire de manière abusive.

Fait exceptionnel, le TASS de Pontoise va poser une question préjudicielle à la juridiction administrative afin qu’elle statue sur la légalité de la pratique de la CIPAV consistant à défavoriser les auto-entrepreneurs par rapport aux autres libéraux.

En attendant, la défense des auto-entrepreneurs devrait s’organiser, si possible de manière collective, afin que chacun d’eux puisse avoir enfin accès à son relevé de situation individuelle, non seulement réel mais encore conforme, c’est à dire faisant figurer 36 points de retraite complémentaire par an.

Dimitri Pincent
cipav.actionjudiciaire@pincent-avocats.com