Chronique d'octobre 2016

Le casse tête du régime de réduction de la cotisation de retraite complémentaire

Peu d’adhérents de la CIPAV ont compris qu’ils pouvaient bénéficier d’une réduction (-25%, -50% ou -75%) de leur cotisation de retraite complémentaire de l’année en cours voire une exonération totale (c’est à dire une dispense) en raison de la faiblesse de leur revenu de l’année précédente.

Si l’adhérent cotise moins, il acquiert moins de points de retraite complémentaire voire aucun, à due concurrence de sa réduction ou de l’exonération.

Si son revenu 2015 est inférieur à 15% du plafond annuel de sécurité social (PASS), ce qui inclut naturellement le cas de figure d’un déficit, l’adhérent est éligible à une exonération de la cotisation de retraite complémentaire 2016 et n’acquiert aucun point sur le régime complémentaire. Un revenu 2015 entre 17.377 € et 23.170 € permet une réduction de 25% de cotisation et partant une décote de 25% sur les 36 points de retraite complémentaire de la première tranche de cotisation de retraite complémentaire (à savoir 27 points).

Pour bénéficier de ce régime encore faut-il faire une demande expresse, dans le délai requis, ce qui entraîne une accumulation de procès devant les TASS.

Dans une décision cinglante d’avril 2016 (frappée d’appel par la CIPAV), le TASS de Créteil estime que les intérêts des adhérents sont lésés puisque les coupons réponse figurant aux appels annuels de cotisations sont rédigés de manière ambiguë et que de toute façon la CIPAV avait la fâcheuse habitude d’égarer ces demandes de réduction.

Dans cette affaire, le TASS a donc condamné la CIPAV à enregistrer les exonérations du plaignant sur plusieurs années.

Le TASS de Poitiers, dans un jugement (définitif) de 2013, avait également dû présumer de l’envoi par l’adhérent d’une demande de réduction en retenant que la CIPAV l’avait très vraisemblablement perdue.

A la CIPAV, il apparaît que tous les arguments sont bons pour ne pas enregistrer une réduction de cotisation de retraite complémentaire : « vous n’avez pas coché la bonne case », « votre demande n’a pas été envoyée dans le délai requis », « nous n’avons pas reçu votre demande », etc.

La question des délais relève d’ailleurs de la farce.

Jusqu’au 1er janvier 2016, les statuts de la caisse prévoyaient un délai de « trois mois » (comprendre en fait avant le 31 mars) pour présenter une demande de réduction et aucun délai pour la demande d’exonération.

Or l’appel provisionnel est envoyé par la CIPAV fin mars, ce qui revient à dénier à l’adhérent un droit à la réduction de sa cotisation de retraite complémentaire. De manière arbitraire, la CIPAV ou sa Commission de recours amiable s’arrangeait avec cette règle : elle visait un délai expirant tantôt au 31 mars et tantôt, plus conciliante, au 31 décembre.

Pour la demande d’exonération, les rédacteurs des statuts avaient tout simplement omis d’enserrer la demande d’exonération dans un quelconque délai. Dans ces conditions, un gérant non rémunéré et n’ayant pas géré son dossier CIPAV ne pourrait-il pas solliciter une exonération sur plusieurs années passées ?

Dans une décision rendue en janvier 2016, la Cour d’appel de Toulouse a retenu au grand dam de la CIPAV qu’une demande d’exonération de cotisations formée en 2013 pouvait porter sur toute la période 2007-2009.

Il n’empêche que la CIPAV invoquait en cette matière les deux délais précités (1er trimestre ou année en cours), toujours naturellement pour exciper d’une forclusion aux dépens de l’adhérent.

Le TASS de Paris semble même avoir défini sa jurisprudence, contraire à la lettre des statuts, selon laquelle la demande d’exonération doit être formée dans l’année d’exigibilité de la cotisation.

Il est vrai que la plupart des formations du TASS de Paris expriment plus de compassion pour cette caisse que pour ses adhérents. Ainsi, au TASS de Paris, si vous faites opposition à une contrainte abusive avec l’assistance d’un avocat et que la CIPAV fait machine arrière quelques jours avant l’audience voire le jour même de l’audience, n’allez surtout pas demander l’indemnisation de vos frais d’avocat. Cela doit faire partie des risques du métier de libéral de recevoir un huissier à son domicile pour une demande de paiement de cotisations infondée, de prendre un avocat pour se défendre, de préparer son dossier, éventuellement de se rendre à l’audience pour comprendre que ces désagréments que vous a causés votre caisse de retraite ne causeront aucun souci à cette dernière. Certains magistrats du TASS, surtout à Paris et Nanterre, devraient se voir imposer la réalisation d’un documentaire de Raymond Depardon pendant leurs audiences pour se rendre compte à quel point ils se comportent de manière méprisante et dédaigneuse avec les justiciables qu’ils ont en face d’eux et leurs avocats.

Mais refermons là ce billet d’humeur en pensant que les TASS de Toulouse, Poitiers, Créteil, Évry, Saint-Brieuc, Mont de Marsan, Lons le Saunier, Guéret, Meaux, notamment font oublier celui de Paris (et de Nanterre)…

Que chaque TASS sache qu’après des années de déni la CIPAV a enfin admis l’approximation de ses statuts pour les modifier avec effet au 1er janvier 2016. Désormais, il est prévu expressément que la demande de réduction ou d’exonération doit être faite par l’adhérent avant le 31 décembre de l’année de la cotisation. Cela peut donc entraîner un droit au remboursement (si le montant de la réduction ou de l’exonération est supérieur au premier appel provisionnel reçu vers fin mars).

En revanche, par prudence, que les adhérents intéressés prennent leur précaution en envoyant leur demande de réduction ou d’exonération en courrier recommandé avec accusé de réception. Cela permettra de contrecarrer le trop fréquent « nous ne retrouvons pas trace de votre demande »…

Dimitri Pincent
cipav.actionjudiciaire@pincent-avocats.com