Chronique de décembre 2016

Cotisations détournées : la réponse du TASS de Paris

La Cour des comptes a chiffré à 0,8 M € le montant des cotisations détournées par des aigrefins qui étaient parvenus à se retrouver en possession de centaines de chèques de cotisants de la CIPAV et à les encaisser à leur profit en créant une société joliment dénommée « CIPAVI ».

Comment avait réagi la CIPAV ?

De manière fort curieuse.

Certes elle déposait plainte contre X, mais elle ne donnait aucune information aux nombreuses victimes cotisantes dont le chèque apparaissait pour elles normalement encaissé.

Jamais la caisse ne devait leur relater l’existence de ce détournement.

Avec cynisme, la CIPAV entreprenait plutôt de recouvrer ces cotisations auprès des adhérents concernés en voulant donc les faire payer une seconde fois !

Le juge d’instruction saisi par la CIPAV devait déplorer un manque d’informations criant de la part de cette dernière. Empêché d’investiguer, il rendait une ordonnance de non lieu.

Une enquête administrative devait conduire à mettre en lumière le manque de fiabilité du processus d’encaissement des chèques des cotisants. Certains chèques pouvaient rester accessibles à tous dans des armoires de la CIPAV, avec un délai d’encaissement de plusieurs semaines voire plusieurs mois.

De ce fait, l’agent comptable de la CIPAV faisait l’objet d’une sanction pécuniaire personnelle. Nous ne disposons pas de la copie de cette décision individuelle prise par le Ministre, appelée « arrêté de débet » qui n’est communicable que par son intéressé, à savoir l’agent comptable sanctionné (avis CADA du 25 novembre 2016). Cependant la Cour des comptes a signalé dans son rapport de février 2014 l’existence de cet arrêté de débet.

Quelques années plus tard, l’agent comptable fautif est toujours en poste à la CIPAV, au même poste d’agent comptable.

C’est donc une CIPAV droite dans ses bottes qui, plutôt que de demander à son agent comptable de la rembourser conformément à sa sanction personnelle, a harcelé les cotisants victimes pour qu’ils paient une seconde fois leurs cotisations.

Le TASS de Paris était saisi par deux de ces cotisants qui par ailleurs avaient demandé la liquidation de leurs pensions de retraite. Mais comme la CIPAV considérait qu’ils n’avaient pas réglé leur cotisation de retraite complémentaire de l’année 2010 – celle détournée – le paiement de la pension de retraite complémentaire était gelé en application de l’article 3.16 des statuts de la caisse (qui prévoit que dette de cotisations sur le régime complémentaire = blocage de paiement de la pension de retraite complémentaire).

Devant le TASS, la CIPAV n’a pas dévié : elle demandait la condamnation des deux retraités à lui régler les cotisations détournées.

La réponse du TASS est cinglante (et les deux jugements frappés d’appel par la CIPAV).

La CIPAV est en effet condamnée à créditer le compte de cotisations du montant des cotisations détournées, à régler les arrérages de pensions de retraite complémentaire depuis l’entrée en jouissance des pensions et à indemniser les deux justiciables à hauteur de 11.500 € pour l’un et 16.500 € pour l’autre (en ce inclus l’indemnité de procédure). La demande reconventionnelle de la CIPAV de paiement des cotisations est rejetée.

Combien de personnes sont concernées par ces faits ? Probablement plusieurs centaines.

Un autre cotisant avait obtenu courant 2015 du TASS de Saint-Brieuc une condamnation plus modeste à l’encontre de la CIPAV qui se retrouvait tenue de comptabiliser les trimestres cotisés et les droits à la retraite afférents au chèque détourné, mais sans indemnisation supplémentaire.

En voulant s’assurer de la mise en œuvre de ce jugement, il a examiné son relevé de situation individuelle que lui communiquait la CIPAV – transcrivant l’ensemble des droits à la retraite année par année.

Le document de la CIPAV indique malheureusement « données non disponibles » (ce qui est également le cas actuellement pour les 300.000 auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV).

Mais que les TASS et le lecteur se rassurent car, à l’issue de ce mois de décembre 2016, la CIPAV aura résolu « 90 % des problèmes ».1

Notes :
  1. http://www.batiactu.com/edito/cipav-annonce-90-resolutions-problemes-a-fin-annee-47014.php 17 novembre 2016, interview du Président de la CIPAV Monsieur Philippe CASTANS

 

Dimitri Pincent
cipav.actionjudiciaire@pincent-avocats.com